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Völcanö, une métaphore volcanique

Photo du rédacteur: laetitia-ramellaetitia-ramel

Article issu du magazine « Transes » janvier 2020, par Muriel Launois, diplômée en ergothérapie et en hypnose et thérapies brèves.




« Vous souvenez-vous du volcan Islandais ? Le fameux Eyjafjallajökull… A nouveau, le sol gronde, ça sent le soufre, des nuées sombres parcourent le ciel… Vous allez décider ensemble si vous êtes des touristes fascinés ou pressés de sortir de ces lieux, ou si vous êtes des volcanologues prudents ou impatients d’aller étudier cette énergie de lave brûlante… »

Ces quelques mots mettent en scène le jeu Völcanö proposé initialement dans le cadre d’un travail en éducation thérapeutique. Ma formation à l’hypnose et aux thérapies brèves est venue modifier ma façon de le mettre en scène. Je propose ici une mise en lumière du tissage intime entre l’apparente intention d’échanger autour des stratégies et la création d’un temps d’hypnose groupale et conversationnelle, en mode fractionné.

Créer une atmosphère hypnotique

Les volcans sont de véritables attracteurs d’imaginaire. Il aurait pu être possible de commencer le jeu par un mythe ou un conte autour de la colère des dieux et de la Terre. Laisser le groupe trouver sa propre histoire, s’inscrit comme une première étape de créativité groupale. Loin d’un lieu sûr, dans un léger frisson de peur cathartique, les personnes décident d’être des touristes ou fascinés ou apeurés, ou des volcanologues passionnés ou prudents…


Des images d’éruptions volcaniques aident à enrichir la mise en scène d’un ailleurs : « Voici des images d’éruption…de toute cette énergie intense…des vues de la surface de la peau de lave ou de la profondeur… Des images de la puissance du feu intérieur qui couve sous la terre, en vous, et qui demande à trouver un chemin…vous pouvez choisir l’une de ces images… » La tonalité de la voix de la thérapeute et le choix des mots utilisés s’inscrivent dans une intention hypnotique. Les mots induisent d’emblée une confusion volontaire entre corps et énergie. L’image vient ainsi s’inscrire dans les vécus corporels, en amont des mots.


Un temps de parole permet de nommer des choix esthétiques, signifiants ou symboliques. Parmi les images d’une lave chaude et fluide, celle de la lave cordée qui crée un sol ondulé, devient pour l’un des participants, l’image d’une colère figée, froide et dure. Un nuage de cendre fait écho à un sentiment de ne pas y voir très clair. Des métaphores concrètes surgissent, se nomment, se déploient.

Une fois l’image choisie, l’utilisation du VAKOG s’affirme dans une contemplation en mode dissociatif : « Vos yeux contemplent les couleurs et les formes… Vos narines ressentent des odeurs de soufre…Vos mains peuvent ressentir des touchers de matières rugueuses et lisses…Vos oreilles entendent des sons explosifs, le souffle du volcan qui respire, le chuintement de la lave… »

Les pions sont tous des pierres volcaniques et l’odeur de l’un d’entre eux, un morceau de soufre, imprègne le jeu. Les cartes photos sont ensuite empilées. Elles sont défaussées au fil du jeu et il faudra prendre le volcan de vitesse avant que l’image de l’éruption finale ne soit dévoilée.


Déployer les ressources personnelles et groupales.

Cases et cartes invitent à des expériences imaginaires, métaphoriques, cognitives, associatives, introspectives. Des cases permettent d’admirer le paysage. Les yeux ne voient plus tout à fait bien dans un nuage de cendres et il faut passer un tour. Une coulée de lave imaginaire fluidifie la situation.


Un processus de décision personnel se concrétise lors des choix entre les cartes de type métaphores, questions-volcan ou situations relationnelles. Cette capacité de choisir est soutenue par des suggestions post-hypnotiques : « Quand vous allez choisir… » Et par un saupoudrage permanent : « Sentez-vous libre de… Autorisez-vous à … »


Des cartes proposent des images métaphoriques. La colère devient un torrent de boue, une épée qui tranche ou un cheval emballé. Chacun est invité à réagir, et surtout à trouver sa propre métaphore. La question de la différence entre les éruptions effusives et les éruptions explosives, devient une métaphore autour de la façon d’exprimer sa colère : garder tout dedans au risque d’exploser ou laisser « couler » petit à petit ?


Völcanö est un jeu de coopération et les réponses aux questions se font de façon collective. Le groupe s’auto-organise, le plus souvent au moyen de vote. Le narcissisme groupal est conforté par la réussite collective car lorsque la réponse est bonne, l’une des cartes-photos perdue est alors remise en jeu, faisant reculer le spectre de l’éruption.

La gestion de la colère

« Les cartes vertes vont vous proposer des stratégies concernant la colère. Certaines vous sembleront pertinentes, d’autres étranges ou étonnantes… Sentez vous libre de réagir…Peut-être pourrez vous trouver une idée pour vous permettre d’exprimer, de transformer ou de vivre votre colère… »

Ce leurre cognitif de « gestion » de la colère, ouvre la porte à une méditation collective. S’agit-il de la vivre ? La ressentir ? La canaliser ? L’exprimer ? L’ignorer ? La peindre ? L’externaliser ? L’écrire ? La jouer ? La déjouer ? Autant de pistes suggérant qu’il est possible de faire quelque chose de la colère au lieu d’en être le jouet.


Les vécus et ressentis de chacun autour de la colère, ou les émotions dans un sens plus large, peuvent s’exprimer, oscillant entre ceux et celles qui les mangent, les boivent, les cachent, les fument, ou ceux qui en sont submergés, les somatisent, les projettent. Les cercles vicieux se nomment, les contaminations de l’une à l’autre s’identifient.


Les idées des cartes vertes, de type « clefs en main », ont l’intérêt de permettre une discussion critique et de prendre une méta-position. L’idée de s’isoler ou de crier, côtoie des pistes créatives ou d’écriture ; le fait de faire de la relaxation, de l’hypnose ou de parler de ses problèmes, voisine avec l’idée de faire du sport ou de pratiquer une communication non violente. Certaines propositions semblent incongrues comme pétrir une balle anti-stress ou brandir un bon de colère, voire carrément surprenantes comme de compter jusqu’à 10.

Les réactions sont fortes et les échanges fusent, sous la forme d’accord/pas d’accord. Dépasser ce type de vision clivée en positif/négatif pour prendre un peu de temps. Des degrés de colère apparaissent, proposant des nuances reliées à des contextualisations ou des souvenirs personnels. La thérapeute, tout au long de la séance, est attentive à jouer avec le « on » confusionnel, le « vous » distancié, le « nous » inclusif, et le « je » singulier. Toutes ces suggestions concrètes découvertes dans un espace de paroles groupal, sont proposés dans un état de conscience élargi pour favoriser une intégration plus profonde dans l’espace intra-psychique et nourrir l’inconscient-ressource cher à Erickson.

Ces stratégies ouvrent des perspectives nouvelles, des voies de changements potentiels.


Et la fin ?

Le groupe du jour avait choisi d’être les touristes curieux mais prudents, décidant donc de sortir du volcan.

L’un des participants annonce que la colère qu’il ressentait en arrivant est retombée « sans parler du problème directement ». Il est un peu étonné de ce détournement alors que d’habitude il « reste en boucle ».

Une femme se souvient qu’elle aimait faire de la boxe et se demande si elle si elle ne devrait pas y retourner.

Un homme semble un peu gêné de s’être laissé aller à évoquer une certaine satisfaction à ressentir de la colère.

Une jeune fille découvre qu’elle pourrait exprimer ses émotions en peinture et souhaite intégrer l’atelier de créativité. Des ressources pointent le bout de leur nez…


Il est très rare que le volcan gagne et entre en éruption avant la fin du jeu. Et lorsque les touristes réussissent ce jour-là, à tous sortir du volcan, le jeu s’arrête, les sourires témoignent du plaisir d’avoir réussi à déployer leurs ressources pour se mettre en mouvement vers un changement possible.



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